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Portrait de leader : Patrick Snyder

Un théologien bien de son temps

Photo : Michel Caron

22 novembre 2007

Le professeur de théologie Patrick Snyder profite d'une année sabbatique pour écrire des livres sur l'amitié et sur le bonheur. Son but à travers ses recherches : poser un regard positif sur le monde.

Avec son souci d'amener la théologie dans les débats sociaux actuels, Patrick Snyder agit comme un leader dans son domaine. Une rencontre avec lui permet de balayer bien des préjugés qu'on pourrait entretenir sur la théologie. L'œil pétillant et la parole vive, le professeur de 43 ans parle de ses projets avec un enthousiasme contagieux.

Un thème fascinant figure au cœur de ses recherches : les rapports homme-femme. Son mémoire de maîtrise traitait de la chasse aux sorcières; sa thèse de doctorat de la construction de la pensée du pape Jean-Paul II sur la femme.

Ces temps-ci, le sujet de l'amitié occupe une bonne partie de son temps. Il explore ce qui s'est écrit sur les relations amicales dans l'Antiquité, le Moyen Âge, la Renaissance et dans l'époque moderne. «À chaque époque, je cherche à voir ce qu'on a dit sur l'amitié homme-femme, explique-t-il. C'est un lien intéressant car il nous coupe en principe de tout le débat sur la dimension sexuelle. L'amitié, c'est supposé nous mener ailleurs.»

Dès l'écriture de cet ouvrage terminé, Patrick Snyder entend se consacrer à la rédaction d'un livre sur le bonheur avec sa complice, Martine Pelletier. Le duo prépare aussi une série de 17 émissions pour Radio Ville-Marie, où il abordera le bonheur, les grands mythes amoureux, l'amitié, la sexualité et la spiritualité ainsi que le don.

En couple depuis plusieurs années, les deux chercheurs travaillent en étroite collaboration à la Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie. Il leur arrive même de donner des cours ensemble, offrant une heureuse dynamique à la classe. C'est d'ailleurs grâce à son amoureuse si Patrick Snyder a commencé à étudier dans le domaine. Elle s'était inscrite en théologie alors qu'il travaillait comme professionnel de golf à Drummondville. «Je me suis mis à lire ses affaires et à trouver ça intéressant», raconte-t-il. N'ayant pas suivi de cours collégial, il entre d'abord à l'UdeS comme étudiant libre avant de poursuivre ses études avec succès, publiant même son mémoire et sa thèse chez Fides.

Bien plus qu'un spécialiste du pape

Le travail de Patrick Snyder touche donc à une diversité de thèmes, liés de près à la vie spirituelle. «Un théologien inscrit à l'UdeS et un théologien qui est un clerc, c'est très différent, dit-il. Nous, on n'est pas là pour défendre la doctrine romaine; ça n'existe plus dans nos universités. Notre objectif, c'est de créer un débat et se poser des questions. Le religieux joue encore un rôle important dans nos sociétés, alors ça prend encore des spécialistes pour réfléchir sur ces thématiques.»

Comme il le mentionne, son travail ne consiste pas à répéter ce que dit le pape. Pourtant, à la mort de Jean-Paul II, Patrick Snyder est devenu l'expert en papauté à Radio-Canada. En plus de donner des entrevues à ce sujet, il a prodigué des formations aux journalistes pour démystifier les questions touchant au conclave, à l'Église, au rôle des cardinaux... Il faut dire que pour comprendre la construction de la pensée chez le Saint-Père, il a lu tous ses écrits.

Volontairement moins présent dans les médias depuis le tourbillon entraîné par le décès du pape, il continue toutefois de donner plusieurs conférences publiques. Une façon pour lui de rencontrer les gens et d'être au courant de leurs préoccupations. «Je pense qu'un théologien, les gens ne savent pas c'est quoi, observe-t-il. Moi, je ne suis pas pratiquant, je ne suis pas sûr que je sois croyant. Je suis une personne en quête et en doute et j'ai même des phases d'athéisme incroyables. Mais pour moi, tout ça fait partie du questionnement spirituel.»

Un professeur accessible

Professeur depuis janvier 2001, Patrick Snyder privilégie le dialogue avec les étudiantes et étudiants. Il n'est pas rare de le voir redisposer les meubles de la classe pour pouvoir favoriser l'échange. «Je veux m'enrichir de leur point de vue, précise-t-il. Dans mes cours, je veux créer une communauté pensante. Je déteste les locaux où je suis en avant et où les étudiants sont plus bas. J'aime qu'on discute ensemble.»

Même la disposition de son bureau au Département d'études religieuses témoigne de ce besoin de communiquer d'égal à égal. Quand il reçoit ses invités, Patrick Snyder s'assoit avec eux à une petite table ronde et non pas derrière un intimidant bureau.

Il admet que les groupes de 1er cycle ne comptent pas énormément d'étudiants, mais s'émerveille devant leur diversité. Ses groupes sont formés de gens de tous âges et de tous les milieux. Et la formation à distance, qu'il a contribué à développer, rejoint maintenant quelque 600 étudiantes et étudiants.

En parallèle, il supervise une dizaine d'étudiants de 2e et 3e cycles, dont un moine belge, prieur de sa communauté, qui cherche à comprendre la pensée de Mary Daly, une philosophe américaine et féministe radicale. Il dirige également les recherches d'un professeur de l'Université de Moncton, spécialiste en loisirs. Cet étudiant, qui trouvait les loisirs proposés aux personnes âgées plutôt banals, cherche à savoir si les activités inspirées de la spiritualité bénédictine ne seraient pas plus significatives pour eux.

Patrick Snyder
Patrick Snyder
Photo : Michel Caron

Avec la teneur de ses recherches multiples, on imagine Patrick Snyder le nez constamment plongé dans les livres. Il admet lire beaucoup, mais pige dans toutes sortes d'écrits : conte, poésie, romans et magazines. «Je lis toutes les revues pour femmes», rigole-t-il. Une lecture guidée par la recherche de représentations archétypales. Il évoque alors la quantité de publicités inspirées par l'imagerie du diable, de la sorcellerie ou encore d'Ève tentée par la pomme. Boulimique de culture, il se laisse inspirer par la littérature et les arts à travers ses recherches. «Je regarde aussi beaucoup de films. Cette année, je suis tétanisé par le nombre de films d'horreur. Ça dit quelque chose sur l'Occident», observe-t-il.

Tout semble attiser la curiosité de cet homme, qui toutefois considère comme vain le débat sur l'athéisme ou la croyance. «On vise tous la même chose : l'épanouissement de soi et de l'autre. Athéisme ou croyance, c'est un faux débat. On serait mieux de discuter sur ce qui nous rejoint, ce qui nous ressemble, plutôt que sur ce qui nous diversifie.»